Les personnes en situation de pauvreté sont les plus touchées par le dérèglement climatique et elles souffrent le plus de ses conséquences. Une transition juste et durable, qui ne laisse personne de côté et qui prend en compte les besoins de chacun et chacune est une nécessité urgente. Dans ce sens-là, le Fonds Social Climat pourrait être une véritable chance pour les ménages les plus vulnérables qui n’ont pas les moyens nécessaires pour accéder aux infrastructures qui permettent de faire face aux effets négatifs du changement climatique et pour bénéficier des mesures prises pour limiter le réchauffement ou pour s’y adapter. Les financements accordés par l’Union européenne destinés à la rénovation des bâtiments et à la mise en place d’une mobilité plus respectueuse de l’environnement devraient bénéficier aux personnes en situation de pauvreté et être un réel soutien pour celles-ci dans la transition vers un système plus juste et durable
Il est impératif de veiller à ce que les mesures financées par le Fonds Social Climat ne créent pas des effets Matthieu, excluent ou discriminent à cause du statut socio-économique précaire. Elles devraient inclure prioritairement tous les citoyens et citoyennes qui en ont le plus besoin. Elles devraient permettre aux plus pauvres de participer sur un même pied d’égalité à la lutte contre le réchauffement climatique et vivre dans un environnement sain et moins pollué. À cette fin il est nécessaire d’évaluer préalablement les mesures envisagées en se référant aux plus vulnérables (analyses d’impact ex ante) afin d’éviter les impacts négatifs sur ces derniers ainsi que l’orientation des soutiens vers des groupes plus favorisés de la population au détriment des plus nécessiteux. Tout ceci dans un cadre de respect des droits humains.
Un logement durable :
• L’article 23 de la Constitution Belge stipule : « Chacun à le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine » . Le droit à un logement décent fait partie des droits sociaux et économiques qui définissent une vie digne. En Belgique, il y a de plus en plus de personnes qui vivent à la rue ou qui n’ont pas un chez-soi, qui sont sur les listes d’attente pour un logement social depuis des années ou qui sont rejetées par des propriétaires car elles dépendent du CPAS… Donc, augmenter l’offre de logements décents et abordables et permettre à chaque citoyen et citoyenne d’y avoir accès est un premier pas nécessaire ! « Le logement ne sera durable que si tous les habitants du pays, sans exception, disposent durablement d’un logement décent… »1
• Un logement durable c’est un logement salubre qui ne met pas en danger la santé des personnes. Par manque de moyens financiers, de nombreuses personnes sont obligées de vivre dans des logements qui ne sont pas conformes aux normes de sécurité ce qui entraîne des problèmes de santé physique et mentale. Les propriétaires qui mettent en location des logements insalubres doivent être sanctionnés et obligés de les rénover et un relogement pour les locataires pendant cette période de rénovation doit être garanti. En dernier recours les pouvoirs publics devraient prendre l’immeuble en gestion afin d’exécuter les travaux nécessaires au frais du propriétaire.
• Rénover les logements est une nécessité et dans cet objectif il faudrait:
➔ Prendre des mesures pour que les travaux de rénovation ne diminuent pas la disponibilité globale de logements (car un logement en travaux sera bien souvent indisponible pendant les durées des travaux). Il est nécessaire d’agrandir le parc de logements disponibles avant une vague de rénovation.
➔ Garantir que les locataires ne seront pas expulsés de leur logement suites aux rénovations et qu’ils seront relogés dans un autre logement pendant les travaux.
➔ Garantir que les loyers ne soient pas augmentés suite à une rénovation énergétique avec l’aide du Fonds social climat. En cas de financement de travaux de rénovation par le bailleur, n’autoriser une augmentation de loyer qu’avec l’accord du Juge de paix qui doit être donné avant la réalisation des travaux. Cette augmentation ne peut en aucun cas excéder la moitié de l’économie d’énergie réalisée par le preneur suite aux travaux..
➔ Assurer un dialogue transparent entre les propriétaires et les locataires par rapport aux travaux nécessaires à effectuer.
➔ Laisser la possibilité aux les citoyens à faire certains petits travaux eux-mêmes et ne pas les obliger de passer toujours par des entreprises agréées qui sont souvent beaucoup plus chères.
➔ Étendre à nouveau le tarif social pour que les ménages qui restent en attente de la rénovation de leur logement de faible qualité énergétique soient capable de payer leurs factures d’énergie.
➔ Éviter les effets Matthieu. Les panneaux solaires, les pompes à chaleur, les récupérateurs d’eau de pluie, les citernes… Ce sont des mesures qui ne sont accessibles aux personnes à faibles revenus que s’il y a un préfinancement. (par des éco-chèques, par exemple).
➔ Investir dans la rénovation et dans la construction de plus de logements sociaux ayant de bonnes performances énergétiques ainsi que dans la simplification des procédures d’accès.
➔ En finir avec le statut de cohabitant. Vivre en cohabitation est plus écologique et doit être encouragé ! Aujourd’hui, de nombreuses personnes en Belgique sont pénalisées car elles ne peuvent pas vivre en cohabitation avec leurs compagnons / compagnes, enfants et/ou autres membres de la famille ou amis car elles risquent de voir leurs allocations diminuées.
Une mobilité durable :
• Les transports sont l’une des principales causes d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde mais la mobilité est indispensable pour avoir accès à la santé, à l’éducation, au travail, aux loisirs… Se déplacer fait partie intégrale d’une vie digne. Pourtant, aujourd’hui il y a de nombreuses personnes en Belgique qui ne peuvent pas se déplacer faute de transports publics à proximité, de moyens financiers, de connaissances liées au numérique ou d’infrastructure adaptée à leurs besoins. Cependant, investir dans une mobilité douce, durable et accessible à tous les citoyens et citoyennes et partout dans le pays est d’une importance fondamentale dans la transition juste. A cette fin, il faudrait :
➔ Investir dans des transports publics écologiques, avec une bonne couverture (spatiale et temporelle) et fiables partout dans le pays et à des prix abordables.
➔ Développer la mobilité douce et la rendre accessible à tout le monde :
➢ Il est nécessaire de permettre à chaque personne de pouvoir acheter ou louer un vélo à un prix abordable et de pouvoir le stocker quelque part (créer plus de parking de vélos là où les logements sont petits et sans cour/jardin, par exemple), d’avoir plus de pistes cyclables sécurisées, ainsi que de cultiver la culture de se déplacer à vélo dès le plus bas âge. Aujourd’hui, pour beaucoup de personnes le vélo est théoriquement un des moyens de transport le plus écologique et le plus abordable mais il n’est pas forcément adapté aux situations concrètes pour des raisons de santé, de sécurité ou de manque de place pour le ranger.
➢ Les moyens de transports solidaires et écologiques comme les covoiturages, les voitures de partage, les vélos publics, les trottinettes électriques ne sont pas vraiment accessibles aux personnes en situation de pauvreté car il faut souvent avoir un smartphone, un ordinateur, une connexion Internet… Ce n’est pas facile pour ceux et celles qui ne maîtrisent pas le numérique et qui n’ont pas l’équipement nécessaire d’avoir accès à ces modes de déplacements alternatifs et moins polluants et donc, ils ne les utilisent très rarement, voire jamais. Rendre obligatoire la possibilité d’avoir accès par une voie non-numérique aux transports publics et à la mobilité douce est d’une importance majeure dans la transition juste.
➔ Éviter les effets Matthieu. Les voitures et les vélos électriques ainsi que les véhicules moins polluants acceptés dans les LEZ, sont très chers pour les ménages à faible revenu et ne restent accessibles qu’aux personnes ayant des revenus relativement élevés. Il est temps de changer cela et de mettre en place des mesures qui soutiennent les populations les plus vulnérables et qui leur permettent d’avoir accès à des véhicules plus écologiques et à des prix abordables (par exemple, par des éco-chèques ou des formules de car/bike sharing qui leur sont accessibles).
Contact :
ATD Quart Monde Belgique
Av Victor Jacobs 12
1040 Etterbeek
Tél 02/650.08.70
1Paroles de militants (personnes en situation de pauvreté) d’ATD Quart Monde.