Le non-recours aux droits : débat avec l’ONEM à l’Université populaire Quart Monde nationale

Il y a quelque temps, ATD Quart Monde a reçu une demande de dialogue de la part de l’ONEM (Office national de l’emploi). Ils voulaient savoir pourquoi les personnes vivant dans la pauvreté font peu appel à leurs services. C’était l’occasion de faire du non-recours aux droits le thème de l’Université populaire nationale du 25 juin. Voici un article qui présente cette rencontre en partant des paroles des participants.

Le problème du non-recours aux droits est loin d’être marginal. Selon une étude belge réalisée en 2011, 57 % et 76 % des personnes devant normalement bénéficier du revenu d’intégration sociale en étaient privées.

Six employés de l’ONEM étaient donc présents ce samedi 25 juin à notre Université populaire Quart Monde nationale pour nous parler de l’impact du non-recours à certains droits. De nombreux militants ont partagé avec eux leur expérience négative avec les services sociaux :

« On se retrouve dans une spirale dont il est difficile de sortir. »

« On a perdu le contrôle du système, les services publics ont tout contrôle sur nous. »

Il existe également un manque de compréhension à l’égard de l’ONEM.

Connaissance des droits

La question est revenue plusieurs fois : quelle est la différence entre le CPAS et l’ONEM ? Il existe de nombreux services publics qui se ressemblent. Plus il y a de services différents, plus il devient compliqué d’accéder aux droits. Selon les militants, les services doivent mieux coopérer.

« À Gand, ils ont lancé une cellule Ukraine, où toute l’aide est regroupée en un seul service, pourquoi ne peuvent-ils pas faire de même pour nous ? »

« Vous pouvez obtenir la permission de différents services pour vous rendre à la banque alimentaire. Lequel dois-je choisir ? »

Pour avoir droit à quelque chose, il faut remplir des conditions. Si une aide devient trop conditionnelle, elle devient trop complexe à obtenir. Une différence parfois minime fait que vous avez droit à quelque chose ou pas :

« Je gagnais 2 euros de trop par mois, je n’avais donc pas droit aux colis alimentaires. Certaines personnes gagnent plus que moi, mais elles gèrent leur budget et ont donc toujours droit à l’aide alimentaire ».

En outre, les règles du CPAS peuvent changer d’une commune à l’autre. Le lieu de résidence détermine donc si vous avez accès à un certain droit ou non.

 

Dépendance

De nombreux militants se sentent dépendants du pouvoir et de la subjectivité de leur assistant social :

« Votre destin dépend de la personne en face de vous, de ses connaissances et de sa volonté de vous aider. »

« Mon référent local pourrait me dire par exemple : vous avez droit à 977 euros par mois, mais je vais plutôt vous donner 500 euros parce que c’est assez d’argent pour vivre. »

« Les services pensent que nous sommes stupides. »

« Le système judiciaire vous pousse dans une boîte, vous devez juste ramper pour en sortir. »

Les travailleurs sociaux ignorent souvent que tout le monde ne dispose pas d’un accès à internet et d’un ordinateur. La numérisation a un effet sur la manière dont les mesures sont prises. Il est important de se battre pour que la numérisation des services ne se fasse pas au détriment d’une partie de la population.

Automatisation des droits

Les employés de l’ONEM sont d’accord : il n’est pas bon que les règles changent en fonction de la commune, tout le monde mérite un traitement uniforme. Les décisions devraient être prises au niveau fédéral afin que nous puissions harmoniser toutes les règles.

Pourquoi les droits sociaux ne sont-ils pas accordés automatiquement à une personne ? Selon l’ONEM, il s’agit d’un travail en cours. Pour le moment, ils se concentrent sur l’accompagnement des personnes pour qu’elles apprennent à obtenir leurs droits de manière proactive.

Un autre constat de cette UP : les travailleurs sociaux ont besoin d’une formation (suffisante) sur ce qu’implique la pauvreté. La sensibilisation au non-recours aux droits est nécessaire pour parvenir à une meilleure compréhension entre les personnes en situation de pauvreté et les services.

Depuis 2017, l’ONEM dispose (sur une base volontaire) d’un « ambassadeur de la pauvreté », c’est-à-dire un travailleur formé à l’accueil et au dialogue avec les plus pauvres, dans chaque bureau. L’un d’entre eux était présent :

« Parlez-nous, nous sommes là pour vous aider, nous pouvons vous aiguiller. Nous voulons apprendre à vous connaître. »

Ce discours n’est pas toujours bien reçu de la part des personnes en situation de précarité.

« Moi, j’ai du mal à entendre ce genre de choses. C’est oublier qu’il y a pas mal de gens qui ont vécu des humiliations et d’autres mauvaises expériences auprès des services sociaux. Ce n’est pas toujours facile pour eux de revenir après ça. C’est culpabilisant de dire qu’ils n’ont qu’à venir et qu’on est là pour les accueillir. Ce qu’il faut faire, c’est trouver le moyen d’aller chercher les personnes, pas d’attendre qu’elles viennent. »

Interview de la militante Mieke après l’Université populaire

Quelle est pour toi la valeur ajoutée d’une université populaire ?

On apprend à connaître les autres, à les écouter et à mieux s’exprimer. Je suis ici parce que je veux que la vie des personnes vivant dans la pauvreté s’améliore. L’Université populaire est une occasion unique de parler à des personnes dont la vie est différente de la nôtre. Par exemple, des employés de l’ONEM étaient présents aujourd’hui : ils ont essayé de nous comprendre, ils nous ont écoutés. Je pense que c’est une très bonne chose que l’ONEM renforce son équipe avec des experts de vécu ou des gens mieux formés vers lesquels nous pouvons nous tourner.

Qu’est-ce que tu retiens de la rencontre d’aujourd’hui ?

« C’est bien que nous fassions cet échange, mais nous devrions entretenir le dialogue avec l’ONEM. Je suis membre d’ATD depuis dix-sept ans. Avec ce genre d’action, je continue à apprendre sur toutes les questions sociales. »

Aujourd’hui, l’Université populaire était partiellement bilingue, qu’en as-tu pensé ?

« Normalement, il y a une université populaire nationale une fois par an. Cela demande beaucoup d’organisation et il est difficile de comprendre la langue de l’autre. Mais c’est agréable de rencontrer les autres membres de la communauté, ça crée des liens. »

 

 

Traduit du néerlandais

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