La Cour constitutionnelle donne un carton rouge à la réforme de l’aide juridique

En ce 21 juin, l’été démarre fort. Il démarre par une décision de la Cour constitutionnelle qui annule la réforme de l’aide juridique. Avec d’autres associations[note]Aimer Jeunes, Association pour le Droit Des Etrangers, Association Syndicale des Magistrats, Belgisch Netwerk Armoedebstrijding – Réseau belge de Lutte contre la Pauvreté, Atelier des droits sociaux, Bureau d’Accueil et de Défense des Jeunes, Défense des Enfants – International – Belgique – Branche francophone, Intact, Ligue des Droits de l’Homme, Luttes Solidarités Travail, Organisatie voor Clandestiene Arbeidsmigranten, Point d’appui, Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, Service d’action sociale bruxellois, Service international de recherche, d’éducation et d’action sociale, Syndicat des Avocats pour la Démocratie, Vlaams Netwerk van verenigingen waar armen het woord nemen, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, Woman’do.[/note], le Mouvement ATD avait saisi la Cour pour demander l’annulation de la loi qui impose au justiciable de payer un ticket modérateur de 20 euros pour la désignation d’un avocat et de 30 euros pour chaque procédure.

Pour essayer de justifier la réforme, le Gouvernement avait fait valoir que les bénéficiaires de l’aide juridique, c’est-à-dire les personnes en état de détresse, multipliaient abusivement des procédures. Au nom d’une bonne gestion des deniers publics, Il fallait donc mettre un terme à ces abus.

Faux, répliquaient les associations, aucune statistique valable ne démontre une surconsommation juridique. C’est même le contraire, soutenait notamment le Mouvement ATD  : plus que d’autres, les très pauvres hésitent à faire valoir leur droit. En réalité, il y a une sous-consommation. Trop souvent, ils laissent tomber, par ignorance des lois, par lassitude, parce que les procédures sont compliquées, parce que le rythme de la justice ne répond pas à leurs préoccupations immédiates.

En décembre 2014, plusieurs militants[note]Le terme « militants » désigne des personnes en situation de pauvreté qui s’engagent dans la lutte contre la pauvreté avec le Mouvement ATD.[/note] avaient participé à une journée d’étude organisée au Sénat à l’initiative du Service de lutte contre la pauvreté. Universitaires et militants avaient posé un constat formel : « Le non-accès aux droits, dont le non-recours ou non-demande est une forme, est une réalité dont l’ampleur est plus grande qu’on ne l’imagine généralement et qui touche particulièrement les personnes les plus défavorisées. Les prestations non réclamées constitueraient, selon certaines études, un phénomène plus étendu que la fraude aux allocations, qui fait pourtant l’objet de bien plus d’attention politique aujourd’hui ».

Comment tranche la Cour ?

Elle rappelle d’abord l’article 23 de la Constitution : chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. Cela comprend notamment le droit à l’aide juridique, qui selon les travaux préparatoires, vise en premier lieu à protéger la personne se trouvant en état de détresse. Ainsi, le manque de connaissances juridiques ou l’aptitude insuffisante à se défendre socialement ne peuvent avoir pour effet de priver l’individu de la jouissance d’un droit ou de la faculté de se défendre.

Ensuite, elle tacle l’argument du Gouvernement selon lequel le montant du ticket modérateur était modeste, symbolique ou modique. Non, le montant qui peut aller jusqu’à 50 euros, ou plus en cas de plusieurs procédures, est considérable pour les justiciables qui n’ont que peu de moyens d’existence.

Dès lors, la loi est contraire à la Constitution et la Cour l’annule.

Quand les diables rouges remportent un match, c’est une victoire pour la Belgique.

Quand la Cour prend une telle décision, c’est une victoire pour la démocratie…

Georges de Kerchove, juriste et membre de l’équipe nationale d’ATD Quart Monde en Belgique.

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