Journée de l’habitat : des militants témoignent pour réclamer un logement digne pour tous et toutes

Hier, c’était la Journée mondiale de l’habitat. C’était l’occasion pour nous de militer pour un droit fondamental : l’accès à un chez-soi décent pour tous et toutes.
Sur Charleroi, notre groupe d’action locale : « Recherche Action Jeunes Adultes Carolo » (RAJAC) d’ATD Quart Monde a porté un texte travaillé collectivement lors de l’événement organisé en partenariat avec l’association Droit Au Logement.

Voici le contenu du témoignage

Nous sommes des jeunes adultes carolos engagés avec ATD Quart Monde.
Dans notre groupe, nous sommes âgés de 18 à 28 ans. Certains sont parents, d’autres pas.

Ensemble, nous avons commencé une recherche-action sur la manière dont les jeunes qui galèrent pensent leur avenir à Charleroi.

Une de nos plus grandes préoccupations, c’est l’accès à un logement digne.

On a regardé des vidéos et lu des textes du bourgmestre et de l’échevine sur ce sujet.

Ils ont dit : « Le logement est un droit fondamental inscrit dans la Constitution belge : chacun a le droit de bénéficier d’un logement décent. Ils ont dit : le projet de ville de Charleroi a clairement fait du logement une priorité. »

Ils parlent de grands chantiers, de nouveaux logements, des kots pour les étudiants de la nouvelle Université. Ils ne parlent pas de notre réalité. On n’entend pas des solutions pour nous. Comme si nous étions invisibles et rejetés.

On veut que les choses bougent !

Alors on prend la parole pour montrer ce qu’est la réalité des logements pour les jeunes dans nos quartiers.

Premier logement : Sambrienne ou Foyer Familial

Quand on a 18 ans et qu’on veut ou qu’on doit partir de chez ses parents, on a nulle part où aller : on dort à droite, à gauche, dans des voitures. On sait que ça ne sert à rien de s’inscrire à La Sambrienne.

Il y a trop d’attente. Pour avoir des points en plus, on doit avoir l’attestation prouvant qu’on est sans domicile. Mais cette attestation n’est pas toujours facile à avoir rapidement. Ça dépend si l’on tombe sur une bonne assistante sociale.

L’assistante sociale nous dit d’aller en foyer familial pour avoir plus de points pour espérer un logement social.

On a peur d’y aller parce que l’on connaît des femmes dont leurs enfants ont été placés.

Trouver un logement privé

Trouver un logement privé, c’est la galère pour nous.

Les proprios nous refusent parce qu’ils ne veulent pas de jeunes, de personnes au CPAS ou avec enfants.

Et maintenant, il n’y a plus que des collocs ou des kots uniquement pour les étudiants.

Pour nous, les seuls logements qui restent sont insalubres.

On vit dans des taudis qui coûtent 1000 euros.

Ce n’est pas normal de payer pour vivre dans un taudis qui n’est pas vivable ni pour nous ni pour nos enfants qui sont encore tout petits.

Les proprios

Les propriétaires font ce qu’ils veulent avec nous.

On ne surveille pas assez les propriétaires qui ne respectent pas la loi et qui nous louent ces taudis.

Parfois, on doit payer la garantie locative en cash. Et les proprios ne nous font pas signer de contrat.

Il n’y a pas d’état des lieux alors que c’était déjà insalubre avant de rentrer. C’est sur nous que retombe l’état du logement. Il nous demande de payer les travaux.

On est coincé.

On nous dit de porter plainte. Mais on sait que ça ne sert à rien.

Les agents de quartier

Les agents de quartier rentrent brutalement et inspectent partout pour voir la propreté. Ils font des photos de ce qu’ils veulent, ils nous interrogent. Mais après, on ne peut pas vérifier ce qu’ils ont écrit sur nous ou voir les photos.

Si le logement est insalubre, les agents de quartier pensent que c’est de notre faute et qu’on est incapable de s’occuper de nos enfants. Ils peuvent prévenir le SAJ.

On a beau leur dire que l’appartement était déjà comme ça avant qu’on arrive, ils ne nous croient pas.

Après le passage des agents de quartier, on peut aussi perdre notre domiciliation et donc nos droits.

Ils peuvent aussi placer nos enfants, ils nous prennent pour de mauvais parents.

Alors qu’on prend ce qu’on trouve.

On ne peut rien leur dire même si ce n’est pas légal.

Ça ne sert à rien de porter plainte.

Insalubrité

Chez moi, tout tombe en ruine : les châssis ne tiennent pas. Il y a de l’humidité dans toutes les pièces. Ma fille a souvent des bronchites.

Je dois allumer tout le temps mes lampes, car il n’y a pas de lumière du jour. Je paye des factures d’électricité énormes.

L’ancienne locataire avait enfermé et laissé mourir une dizaine d’animaux dans une chambre. J’ouvre toutes les fenêtres. Mais ça continue à puer partout dans l’appartement et dans l’immeuble. Les voisins disent que c’est de ma faute.

Dans mon logement c’est tellement insalubre, que je préfère vivre à la rue que vivre là.

La Sambrienne

Et quand on réussit à avoir un logement de La Sambrienne. C’est plus du social. 500 € pour 2 chambres pour 4 enfants sans chauffage.

En hiver, il n’y a qu’un poêle à gaz dans le salon pour chauffer tout l’appartement. Je suis obligée de laver mes filles avec une bassine d’eau chaude dans le salon.

On a une seule pièce à vivre pour nous 6. Ce n’est pas possible. Ma fille de 9 ans veut déjà partir et vivre ailleurs. Ça me fait mal au cœur.

On est dans une insécurité totale. Je vis entre 2 appartements vides qui sont squattés tout le temps. L’appart en bas de chez moi a été dépouillé, ils ont cassé les murs pour voler les câbles en cuivre.

J’ai tout le temps peur.

Ça fait trois ans qu’on demande de changer la porte parce que le chambranle ne tient plus. La Sambrienne dit que c’est à nous de la réparer. Ils ne réparent pas les petits dégâts, ils attendent que ça dérape.

Il y a de l’amiante, mais apparemment pas assez pour intervenir.

Près de chez nous, la Sambrienne a terminé la construction de 5 maisons. 4 sont squattées, car on les a laissées trop longtemps ouvertes.

Les nouveaux logements sociaux

Les projets de nouveaux logements sociaux comme « Le 5e élément », ce sera pour les gens riches qui ont un travail.

Il va y avoir les riches et puis on met les pauvres de côté.

Ils privilégient les gens avec un salaire plus élevé pour les beaux quartiers. Les cités sont délaissées. On ne fait rien : boîtes aux lettres explosées ; il n’y a plus de portes, les carreaux sont pétés.

Les grands travaux

Les priorités, ils les font à l’envers.

Ils veulent créer de nouveaux bâtiments, mais il y a tellement d’immeubles en ruine qu’ils pourraient rénover au lieu de les détruire.
Par exemple, à la place de détruire les vieux hôpitaux, ils pourraient en faire des petits logements pour les SDF ou les gens comme nous qui sont en recherche d’urgence.

Pourquoi refaire la place aux jets d’eau et la gare qui étaient très bien ? Pourquoi faire un nouveau centre commercial ?

Je me dis tant mieux qu’ils embellissent la ville, mais ce n’est pas utile !

Ils auraient pu faire des logements, ça aurait été mieux.

Les médias

Dans les médias, on montre les nouvelles places, les projets des nouveaux logements de La Sambrienne et de kots pour les étudiants.

On montre nos façades, mais pas nos intérieurs. Chez nous, c’est l’intérieur qui est pourri. Si l’émission « image à l’appui » filmait à l’intérieur de nos logements, les gens comprendraient ce qu’on vit et ce que les propriétaires osent nous louer ! Peut-être qu’on nous trouverait alors un logement convenable.

Et maintenant !

Même si maintenant c’est difficile pour nous, on a au moins un toit. Mais nos enfants auront-ils un toit dans 20 ans ?

On va se battre pour ça. En cherchant des solutions pour que tous et toutes aient réellement accès à un logement décent.

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