Mise à jour 7/3/2025 : L’indexation du revenu d’intégration sociale est finalement maintenue dans la version final de l’accord de gouvernement, mais est bel et bien supprimée l’enveloppe bien-être destinée à augmenter les allocations jusqu’au seuil de pauvreté.
Incrédulité et colère, tel est le sentiment qui prévaut chez les personnes en situation de pauvreté et leurs associations en prenant connaissance de la « dernière version » de la note de négociation de M. De Wever à propos de la « lutte contre la pauvreté ».
Nous ne contestons pas la nécessité d’assainir le budget de l’État et de prendre des mesures douloureuses, y compris pour le citoyen moyen. Mais, le fait que les coupes les plus importantes cibleraient les groupes les plus vulnérables est une pure honte politique. Nous pointons notamment l’arrêt des allocations de chômage après deux ans et à la désindexation du RIS (revenu d’intégration sociale) pendant cinq ans.
Indemnités de chômage
La note de négociation de l’Arizona prévoit l’exclusion des personnes au chômage au bout d’un à deux ans. Cette limitation du chômage dans le temps ne fera qu’encore aggraver la pauvreté sans favorise le retour à l’emploi.
Pour justifier cette mesure, l’Arizona argumente que la Belgique est le seul pays au monde où les allocations de chômage ne sont pas limitées dans le temps. La note oublie de rappeler que plusieurs pays prévoient un transfert quasi automatique vers un autre système d’assistance chômage. Or ce mécanisme n’est pas même prévu dans la note.
Quand bien même une aide financière est prévue pour les CPAS, il est illusoire de penser que ces derniers vont pouvoir trouver suffisamment de personnel qualifié en temps voulu. Les CPAS seront submergés par ce flux de personnes exclues du chômage, les individus disparaitront des radars, perdront leur indemnité et ne seront plus accompagnés dans leurs démarches.
Des études de l’OCDE, de la Commission européenne et d’économistes belges démontrent que mettre une pression financière sur les chômeurs de longue durée n’a aucun d’impact sur leur réintégration sur le marché du travail. Au contraire, les chercheurs d’emplois ont besoin de revenus suffisants pour continuer à investir dans leur formation, leur logement, leur mobilité, leur santé… De ce fait, réduire les allocations chômage, c’est réduire l’employabilité.
Revenu d’intégration sociale (RIS)
Depuis des décennies, le RIS est resté inférieur au seuil de pauvreté européen officiellement reconnu (60 % du revenu médian de l’État membre, pondéré en fonction de la composition de la famille). On peut comparer un autre calcul, la norme REMI basée sur un panier de dépenses minimales pour une vie décente : cela revient à peu près à la même chose. Les barèmes du RIS sont toujours inférieurs de 15 à 28 % au seuil de pauvreté selon la catégorie de bénéficiaire (5 % pour les familles monoparentales). Depuis de nombreuses années, les organisations de lutte contre la pauvreté se battent pour que le RIS atteigne le seuil de pauvreté européen. Les deux gouvernements précédents avaient déjà mis en œuvre quelques augmentations limitées, pour lesquels nous les remercions. Le projet d’accord gouvernemental de M. De Wever balaie ces majorations d’un revers de main. En outre, les réfugiés reconnus recevraient un revenu de subsistance encore plus bas pendant 5 ans. Quelle vision se cache derrière tout cela ?
Certains hommes et femmes politiques, sous la pression d’un courant d’opinion, en seraient-ils venus à croire à une sorte de sous-classe nichée dans une culture de la dépendance et vivant une vie confortable avec le revenu d’intégration ? Ou à une Belgique en passe de devenir le CPAS du monde ? Les faits le contredisent : environ 46 % des ménages dont le revenu propre est inférieur au plafond du revenu d’intégration ne perçoivent même pas cette prestation et la majorité des bénéficiaires du revenu d’intégration sont nés en Belgique. La fraude sociale est l’exception, pas la règle.
Nous vous invitons donc à rencontrer les membres de nos associations qui ont l’expérience de la pauvreté, à prendre des mesures basées sur des faits et à mettre en place des politiques qui combattent la pauvreté plutôt que les pauvres.
Bert Luyts
Délégué national d’ATD Quart Monde Belgique