Voici le cinquième épisode de notre nouvelle émission radio diffusée sur RCF : Dignité je crie ton nom !
Présentée par Nicolas Descamps et Jean Tonglet, elle aborde tous les mois des sujets d’actualité pour mieux comprendre la pauvreté et l’importance d’une vie digne pour tous et toutes.
Cette émission est diffusée chaque dernier mardi du mois à 16 h 30 et rediffusée le samedi qui suit à 19 h et le dimanche à 11 h. Vous pourrez aussi retrouver les épisodes en podcast sur notre site ainsi que sur le site d’RCF.
Pour ce cinquième épisode, nous nous sommes intéressés à la question de notre système éducatif comme vecteur d’inégalités. C’est l’occasion de parler du groupe école d’ATD Quart Monde et de réfléchir aux solutions pour une école pour tous et toutes.
Pour nous en parler, nous recevons Paul-Benoît De Monge. Ancien enseignant et directeur d’école, il est maintenant un allié engagé dans le groupe école.
Bonne écoute !
Complément à l’émission
En parallèle de son interview, Paul-Benoît a voulu rajouter les éléments ci-dessous :
« Il y a essentiellement 2 grandes causes aux mauvaises orientations des enfants des familles vivants dans la pauvreté; ce que Jean-Pierre Coenen appelle les « orientations abusives », vers l’enseignement spécialisé, notamment.
1ère: la conception, l’organisation du système scolaire et ses dynamiques d’orientation sélective.J’en ai touché un mot
2e cause : les formations initiales et continues des profs. Et cela est TRÈS TRÈS importants car c’est vraiment « LE » levier qui peut faire bouger le système, faire évoluer l’Institution scolaire.
Celles et ceux qui font vraiment l’École, qui font au jour le jour une bonne et forte Institution scolaire ou une médiocre, in fine, ce sont les profs. Car ce sont les profs -et non l’administration !- qui sont tous les jours en classe avec les élèves.
Depuis longtemps -pour des raisons que l’histoire des sociétés des progrès techno-industrielles expliquent facilement- et encore trop aujourd’hui, les formations des profs ont été essentiellement axées sur les ‘branches’ les disciplines comme on dit. Et même les instits qui sont polyvalents pour les disciplines (français, math, histoire, géo, ….) étaient formés pour et par la ‘didactique’ du français, des math, etc … Et pas sur la relation pédagogique.
Or, les enseignants sont des artisans qui accueillent des enfants et des jeunes dans leur …. « atelier’ (= leur classe). C’est l’accueil qui est important. En pédagogie, le plus important, ce N’est PAS le contenu, la discipline. C’est donc la relation : l’écoute, l’observation de chaque enfant, le dialogue avec les élèves et leurs parents.
Il faut donc prendre le plus grand soin des profs si l’on souhaite que ceux-ci prennent grand soin des enfants, des jeunes. Et prendre grand soin, les soutenir, les encourager, c’est surtout de ne pas les laisser seuls face aux publics qu’ils rencontrent, face aux difficultés qu’ils rencontrent.
Il faut bien les soigner au moment où on les forme on ne se contentant pas de donner une formation théorique, en Haute école, mais, comme artisan, ils doivent être longuement formé avec leur pairs, en école, être accompagné; qu’on leur donner du retour, du feedback sur ce qu’ils vivent en classe et avec les parents, non pour les contrôler mais les aider et les soutenir. Ainsi, il faut leur apprendre à parler et écouter les parents vivants dans la grande pauvreté afin qu’ils comprennent ses parents, souvent intelligents, mais démunis face aux codes de l’École qu’ils ne maîtrisent pas, pas plus que leurs enfants.
Prendre soin des profs ensuite, après leur formation, sous forme de supervision et intervention, toujours pour les aider à comprendre ce qui se passe, pourquoi tel enfant n’avance pas, pourquoi tel autre est en souffrance. Non pas qu’ils doivent être capables de faire face à toutes ces difficultés; c’est en effet le rôle de certains spécialistes à prendre le relais. Mais qu’ils puissent VOIR et ENTENDRE ce qui fait problème; et demander de l’aide, et obtenir de l’aide. Il faut que, en équipe les profs soient fiers des réussite de tous leurs élèves et donc de leur propre réussite d’équipe, et non content ou satisfait du travail de tri que la société leur assigne ou qu’ils pensent que la société et l’état leur assigne. Ce n’est pas de tri dont il peut être question à l’école, c’est de promotion et valorisation. Et les profs sont capables de le faire; plus, ils en seront plus heureux. Mais pour une Ecole (plus) heureuse, il nous faut prendre davantage soin de nos instituteurs et profs en les formant aux choses essentielles: LA RENCONTRE – LE DIALOGUE – LA BIENVEILLANCE.
Alors, changer le regard et la posture des profs, ce sera enfin changer l’Ecole. Selon moi, c’est la voie la plus efficace, rapide. C’est peut-être la seule … ? «