Le 12 octobre 2023 a eu lieu la Cérémonie des Morts de la Rue à Charleroi. Victor, qui vient de commencer un parcours d’immersion auprès d’ATD Quart Monde a voulu, avec ses mots, décrire comment il a vécu cette cérémonie. Voici le texte qu’il a écrit.
« Ça va finir quand ? » Cette question, pesante comme les gouttes de pluie qui tombaient du ciel, a traversé l’esprit de tous ceux qui se sont rassemblés à Charleroi en ce jour du 12 octobre. Cette date, désormais gravée dans nos cœurs, a été consacrée à rendre hommage à ces âmes courageuses qui ont tragiquement trouvé la fin de leur voyage dans les rues froides de notre ville.
Cette journée a vu converger un mélange émouvant de visages. Parmi eux, des personnes qui ont personnellement connu les ruelles sombres de la pauvreté, portant en elles des histoires de lutte et de résilience. Mais ce n’était pas tout, car des membres de nombreuses associations se sont également joints à cette communion de cœurs brisés, unis par un seul but : honorer la mémoire de ceux qui sont partis.
Le matin a débuté en douceur, avec un rendez vous devant la porte du refuge « Comme chez nous », une asbl comprenant un service d’accueil d’urgence mais également un service d’accompagnement social.
Après ce moment, la procession s’est dirigée vers la Place Verte, l’une des places centrales de la ville de Charleroi. Là, les cieux gris se sont ouverts, libérant les larmes du ciel pour se mêler aux nôtres. Avec des cœurs lourds, nous avons récité des oraisons funèbres, levant nos voix dans une prière silencieuse en l’honneur de toutes les âmes disparues au cours de l’année.C’est à cet endroit la que des personnes qui ont personnellement connu les ruelles sombres de la pauvreté ont rappelé avec fermeté : « Tous les ans on se retrouve, et tous les ans on découvre de nouvelles personnes mortes à la rue. L’été tue autant que l’hiver ! C’est honteux. Que font les autorités ? C’est ne pas demander la charité que d’avoir un logement, c’est un droit qui n’est pas respecté ! »
Ils ont également partagé leurs expériences avec passion : « Quand tu es à la rue, les gens te regardent de haut et te disent : ‘Qu’est-ce que tu fais dans la rue ? Tu ne sais pas te louer un appartement ?’ ou tant d’autres jugements, alors que nous n’avons pas choisi cette voie. C’est la société qui nous a conduits là. »
Ainsi , leurs mots ont résonné comme un cri de ralliement, une déclaration de droits inaliénables, et ils nous ont rappelé que l’accès à un logement n’est pas un acte de charité, mais un droit fondamental qui doit être respecté. La vie dans la rue est une épreuve indescriptible, et cela ne fait aucune différence entre l’été et l’hiver. En effet, entre octobre 2022 et octobre 2023, 33 sans-abri ont perdu la vie.
Ils ont également mis en lumière une vérité poignante : « Si tu as un chez toi, tu vas peut-être galérer pour acheter un pain, mais tu as un minimum de confort et de sécurité. Tandis qu’à la rue, c’est l’insécurité en continu, surtout en tant que femme. »
Plusieurs femmes présentes ont partagé leurs craintes, leur vulnérabilité face aux agressions dans les rues et les abris de nuit. Ils ont souligné que les places sont limitées pour les femmes, et que des défis supplémentaires se dressent sur leur chemin. Par exemple, pour les femmes à la rue, faire leurs besoins devient un défi supplémentaire, car il n’y a pas d’endroit où elles peuvent le faire gratuitement. À la gare, cela coûte 1€, et dans les bars, elles sont souvent obligées de consommer pour avoir accès aux toilettes.
À la suite de ces témoignages, une marche s’est engagée dans les rues de Charleroi, menant à l’endroit où la vie s’épanouit, même dans les endroits les plus sombres. Le parc de la Reine Astrid, un havre de paix, a accueilli nos pas fatigués, symbolisant l’espoir de jours meilleurs pour tous ceux qui luttent dans les rues.