Les résultats des votes sont tombés : ATD Quart Monde remporte le prix fédéral de lutte contre la pauvreté pour la région de Bruxelles-Capitale !
Un énorme merci à tous ceux qui nous ont soutenus et qui nous soutiennent au quotidien.
Au delà du soutien financier et de la reconnaissance, ce prix nous a permis (et va nous permettre) de nous exprimer sur la gestion politique et institutionnelle de la lutte contre la pauvreté. Retrouvez ci dessous la traduction du discours de Marijke Decuypere, volontaire permanente ATD Quart Monde et membre de l’équipe de coordination nationale, qui a reçu le prix au nom du mouvement :
« Recevoir le prix fédéral de lutte contre la pauvreté est, entre autres, une reconnaissance de notre combat et de notre travail. Cet aspect est très gratifiant pour les personnes qui sont derrière nos actions et nous remercions tous ceux qui nous ont soutenus.
Cette année, le thème du prix était “la participation”. En ce qui concerne notre action, nous faisons en sorte que notre lutte contre la pauvreté soit pensée, organisée et appliquée avec les personnes ayant le vécu de la pauvreté. La “participation” est donc ancrée dans l’ADN de notre organisation.
Donner une vraie place aux personnes en situation de pauvreté au sein de votre organisation oblige à travailler différemment : vous devez avancer à leur rythme, faire en sorte que chacun puisse contribuer, y compris les personnes qui ne savent pas lire et/ou écrire ou qui n’ont pas l’habitude des réunions de travail.
En luttant contre la pauvreté avec les personnes qui la vivent, vous parvenez à d’autres regards et solutions. Voici un exemple : vous savez que le système de colis alimentaires peut rendre les fins de mois moins difficiles. Mais, en discutant avec les personnes en situation de pauvreté, vous apprenez autre chose : accepter un paquet de nourriture se traduit souvent par un sentiment de honte. Les individus qui doivent utiliser ce système de surplus alimentaire se sentent souvent comme des citoyens de seconde zone qui doivent se satisfaire de ce que les autres ne veulent plus. Cette honte et ce sentiment de ne pas compter laissent des traces.
En réfléchissant avec les personnes en situation de pauvreté, vous comprenez qu’il est urgent d’augmenter les minimas sociaux afin que ces gens puissent vivre plutôt que survivre.
En travaillant avec eux, vous comprenez aussi que les “plans de remise à l’emploi” n’ont aucun sens tant que notre société ne peut pas offrir un travail à tout le monde. En prétendant que les gens sortent de la pauvreté grâce à un emploi, nos gouvernements ciblent aussi les gens qui travaillent mais qui perçoivent, littéralement, un salaire de misère. Ces gens seraient donc coupables de ne pas s’en sortir malgré leur emploi ? Autre conséquence de ces “plans” : les personnes qui ne peuvent pas trouver un emploi parce qu’elles sont trop peu qualifiées sont montrées du doigt. Une véritable politique du travail doit pouvoir proposer à tous un emploi avec un salaire digne.
Pour en revenir au thème, je regrette donc que, ces dernières années, les différents gouvernements aient trop peu investi dans la participation. Certains ministres ne se préoccupent pas du tout des problèmes des personnes en situation de pauvreté. Il y a quelques années, diverses organisations ont soulevé le problème suivant : pour diverses raisons, les personnes n’obtiennent pas leurs droits: honte, procédures compliquées, méconnaissance de leurs droits. Les gouvernements doivent donc se concentrer sur ce sujet, en faisant en sorte que les droits soient connus et obtenus plus facilement et automatiquement.
Certaines administrations locales ont mis en place de bonnes initiatives sur le sujet mais ce n’est pas le cas des gouvernements régionaux et fédéral. Parmi les mesures problématiques mises en place par ces derniers, nous pouvons parler d’accès à la justice, rendu moins accessible pour les plus pauvres en rajoutant des frais pour les recours à un avocat pro-deo. Avec d’autres organisations, nous avons fait appel devant la Cour constitutionnelle et nous avons eu gain de cause. Nous pensons qu’il est regrettable de devoir passer par là pour garantir les droits de tous.
“On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses citoyens les plus pauvres”. Un pays aussi riche que le nôtre devrait avoir honte qu’un groupe toujours plus important de personnes doivent se battre quotidiennement pour survivre. »