Namur
Le 17 octobre dernier, Journée mondiale du refus de la misère, les membres du mouvement Luttes Solidarités Travail (LST), partenaire de longue date d’ATD Quart Monde, se sont rendus une fois de plus au Parlement de Wallonie pour interpeller les élus régionaux et livrer des témoignages de vie difficile et de lutte. À leurs côtés étaient venus plusieurs membres d’ATD Quart Monde de plusieurs groupes locaux wallons. Marcelle Ledieu, militante Quart Monde et LST de Charleroi, a témoigné devant les parlementaires.
Cela fait plus de quarante ans que tu milites au sein d’ATD Quart Monde, tu connais donc bien la Journée mondiale du refus de la misère. Pour toi, que signifie cette journée ?
Elle sert à rassembler pas mal de gens. Mais… c’est pas le fait de « blablater » qui est important, c’est le fait d’être écouté ! « Blablater », tout le monde sait le faire, mais on a l’impression, depuis les années que ça dure, que… il n’y a pas grand chose qui change. Donc, on est mal écoutés. Ou mal compris.
Tu étais à Paris en 1987 pour la première Journée mondiale du refus de la misère. Pour toi, comment a évolué la lutte contre la pauvreté ?
Il y a des choses qui ont avancé, qui ont changé mais… pas toujours dans le bon sens. C’est-à-dire qu’ils ont changé les phrases, qu’ils ont changé les mots, mais les conditions restent à peu près les mêmes.
Aujourd’hui, par rapport à il y a 31 ans, la pauvreté n’est pas très différente ?
Non, parfois c’est même pire ! Tu en vois de plus en plus parce que c’est toutes les “lois-attrape”, toutes des lois “à spirale”. Parce que, quand tu veux aider ton prochain, tu te fais condamner. Ce qui n’existait pas avant ! Tu pouvais héberger qui tu voulais. On te faisait des reproches mais on t’en empêchait pas. Maintenant, si tu as le malheur d’héberger ton voisin ou ta famille parce qu’ils sont en galère, on te casse dans tes revenus, on te casse dans ton loyer, on te casse dans tout ! C’est à peu près les mêmes lois mais avec des autres phrases, c’est autrement interprété. Je me souviens, autour de 1985, au CPAS, il fallait des preuves de recherche d’emploi, il te fallait des cachets. Il t’en fallait cinq par semaine. Maintenant, ils ne font plus ça, mais ils te forcent quand même à faire d’autres choses : des articles 60, des certificats médicaux… C’est des trucs qui sont tournés autrement, c’est tout. Ça s’est modernisé, mais c’est tout.
Justement, pourquoi crois-tu qu’il y a toujours autant de personnes sans travail aujourd’hui ?
Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas de travail parce que maintenant on veut faire travailler les plus âgés… et laisser les jeunes au chômage. Ça ne va pas non plus ! Les âgés, ils ont donné, ils ont travaillé quand même, toute leur vie. Ils arrivent à l’âge de la pension, quand ils y arrivent, et on leur demande de travailler deux ans de plus ! Et un jeune, eh bien il n’a pas de place, voilà. Il n’a « pas assez d’expérience » ou il n’a « pas de diplôme ».
Ce 17 octobre, tu étais avec Luttes Solidarités Travail à Namur, au Parlement de Wallonie. Comment ça s’est passé ?
Ça s’est bien passé. Le Président du parlement (André Antoine) a dit que, cette année, on n’avait pas été « transparents », qu’il nous avait bien écoutés et qu’il allait faire en sorte de voir pour changer… Mais bon, changer quoi ? Ce sont toujours les mêmes lois, à part que les phrases changent. Pour moi, ce sont les mêmes lois. Tu dois aller au CPAS, tu dois te faire humilier. Je pense que c’est aller directement frapper qu’il faut faire. Pas à coup de poing, mais taper sur la table. J’étais là à la toute première Dalle du refus de la misère au Trocadéro (Paris, 1987) et on est encore occupés à se battre ! Qu’est-ce qu’il leur faut pour qu’ils comprennent ?
Ailleurs en Belgique
Ougrée
Autour des murs des usines Arcelor Mittal à Ougrée (Liège), le 17 octobre, le groupe de la bibliothèque de rue a organisé un parcours relais de l’espoir intitulé « Au cœur de ces murs, un peuple et un quartier debout ». Ce rassemblement avait pour but de faire surgir l’expression des habitants d’Ougrée – jeunes et moins jeunes, y compris les personnes vivant dans l’extrême pauvreté – autour de leurs résistances, leurs combats et leurs rêves pour leur quartier.
Tournai
Le 7 octobre, à Tournai, le Collectif de lutte contre la pauvreté de Tournai a organisé la deuxième édition de leur rassemblement artistique et politique « La Pauvreté sous les bombes ». Le Collectif a invité plusieurs artistes de rue à venir peindre au pied du Beffroi et a aussi voulu interpeller les candidats tournaisiens aux élections communales en leur posant la question suivante : « Que comptez-vous faire pour lutter contre la pauvreté ? ».
Louvain
Plus de 700 personnes ont marché de la Bondgenotenlaan jusqu’à la Grand Place pour rappeler les difficultés liées à la vie dans la pauvreté, « même à Louvain»(« armoede knelt… ook in Leuven»).La mobilisation était organisée par le Leuvens Collectief Tegen Armoede, dont ATD Vierde Wereld Vlaanderen est membre.
Dans le monde
Cameroun
Dans le village de Koumenke, une visite a été organisée pour se rendre compte de l’extrême situation que vit la population locale. Plusieurs jeunes ont pu exprimer les difficultés qu’ils rencontrent dans la vie et qui les maintiennent dans la pauvreté, comme la non-scolarisation et le non-accès à des soins primaires.
Bolivie
À El Alto, les membres d’ATD Cuarto Mundo Bolivia ont été plusieurs jours d’affilée à la rencontre des passants dans différents points de la ville pour les interpeller et réfléchir avec eux. La question qui leur était posée était « Un monde sans pauvreté est-il possible ? » (« ¿ Es posible un mundo sin pobreza ? »).
Propos recueillis par Antoine Scalliet