Revenons deux ans en arrière : en juillet 2016, le gouvernement Michel décide de généraliser le projet individualisé d’intégration sociale (PIIS) à tous les bénéficiaires d’un revenu d’intégration sociale (RIS). Il instaure en outre la possibilité d’un service communautaire.
Tollé dans le monde associatif : cette mesure conditionne de plus en plus le droit à un minimum de sécurité d’existence, elle s’inscrit dans le cadre d’une politique répressive à l’égard des pauvres, elle est de nature à renforcer encore le contrôle sur ceux-ci, elle permet toujours plus d’intrusions dans leur vie privée, elle pourrait être utilisée pour les contraindre de prester gratuitement dans une association ou un service public en échange d’un revenu d’existence. Bref, une nouvelle modalité de travail forcé qui ne dit pas son nom puisqu’il s’agit d’un travail non rémunéré.
Dans un communiqué de presse, le Mouvement ATD Quart Monde fait publiquement entendre la voix de ses membres et dénonce les dérives de la loi. Puis, avec d’autres associations (Ligue des droits de l’homme, Lutte Solidarité Travail, Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, etc…) il en demande l’annulation par la Cour constitutionnelle. Une bataille juridique s’engage.
Hasard du calendrier : l’audience est fixée le 25 avril de cette année, jour de la cérémonie organisée à l’Hôtel de ville de Bruxelles en l’honneur des morts de la rue. Quoi de plus naturel pour les participants que de se rassembler après la cérémonie devant la Cour pour manifester leur opposition à la loi. Une façon comme une autre de rendre hommage à leurs compagnons les plus faibles qui ont payé de leur vie les lacunes de la sécurité d’existence.
Une victoire en demi-teinte
Ce 5 juillet, la Cour tranche : elle balaye les moyens des associations fondés sur les droits humains, pour contrer la généralisation du PIIS: le non-respect de la vie privée, un retour en arrière injustifié (le principe du stand-still), le renforcement de la conditionnalité de l’aide sociale.
Le Ministre Ducarme s’en est immédiatement réjoui et « se félicite de la validation de la généralisation », mais il passe sous silence le fait que la Cour annule l’instauration du service communautaire. La motivation est d’ordre technique : le Fédéral empiète sur les compétences attribuées aux régions depuis la sixième réforme de l’Etat.
Nous avons donc gagné sur ce point, non pour des raisons de principe, mais pour des raisons particulières au système complexe des compétences dans le cadre d’un état fédéral.
C’est une victoire, mais il n’y a pas de quoi pavoiser. La voie reste ouverte aux dérives que nous dénoncions à l’époque dans notre communiqué de presse. À nous de rester vigilants.
Georges de Kerchove, juriste et membre de l’équipe nationale d’ATD Quart Monde en Belgique.